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L’objet précieux : un fait social total ?

Colloque international issu d’une coopération EHESS-Cartier

L’objet précieux : un fait social total ?
English version below

Colloque international issu d’une coopération EHESS-CartierParis, 25 et 26 avril 2024Auditorium Jacqueline LichtensteinGalerie Colbert, 2, rue Vivienne, 75002, Paris

L’objet précieux, et plus particulièrement le bijou, suscitent, au fil des siècles et des espaces, des réactions qui se réitèrent et se répondent, malgré la variation des contextes, des époques et des lieux. En effet, si la réprobation pour les notions de dissipation et de luxe – souvent ostentatoires – est récurrente depuis l’Antiquité déjà (Pline l’Ancien), l’action bénéfique de l’objet précieux est également revendiquée, sur la base de plusieurs raisons : esthétiques, symboliques, religieuses et économiques. L’objet précieux est à la fois un agalma resplendissant et digne d’admiration ; une offrande pour les dieux ou pour les morts, dont la valeur doit être proportionnelle à la dignité des destinataires ; un symbole de statut, de pouvoir, d’alliance et de fidélité, dans lequel des valeurs culturelles sont condensées ; un héritage social ou familial, à la fois véhicule et gage de la transmission et de la tradition ; un inspirateur de la création artistique et du développement des techniques ; enfin l’un des éléments d’échange privilégiés dans l'économie du don, voire un moteur de l’économie, comme il est souligné par plusieurs auteurs tout au long de la réflexion occidentale sur le luxe, de Bernard de Mandeville à Jean-Baptiste Say, à Werner Sombart et bien d’autres.

Aussi l’objet précieux et le bijou, qu’ils soient portés sur soi, mobilisés dans la circulation ou intégrés dans des espaces, découpent un rôle et un rang de distinction à tous les niveaux, matériels et symboliques. Ils attirent l’attention, ils reconfigurent l’espace des apparences, ils « rayonnent », selon les mots de Georg Simmel, en établissant un clivage culturel et social, un « partage du sensible ». Ils n’en demeurent pas moins l’objet d’imitations et de reproductions bien plus accessibles qui contribuent à créer le goût partagé implicite dans la notion de mode ou ses imitations comme le kitsch.

C’est ainsi que l’objet précieux et donc le bijou se rattachent d’emblée à deux mots denses d’échos et de répercussions dans tout le spectre des sciences sociales, de l’anthropologie à l’économie, de la philosophie à la sociologie de l’histoire des arts à celle des techniques et du travail : la notion de valeur et celle de création, qui seront le point de départ de notre questionnement.

La valeur de certaines matières, comme l’or ou le diamant, est largement partagée dans plusieurs sociétés et périodes, mais quelles sont les propriétés qui la déterminent ? L’or est-il précieux en raison de ses qualités sensorielles et organoleptiques (malléabilité et résistance, durabilité, couleur et brillance qui attirent les regards à l’instar des rayons du soleil) ou pour ses qualités distinctives (parce qu’il est rare, cher, difficile à extraire) ? Ou tout cela à la fois ? Et qui décide la place d’autres objets et matières, qu’ils soient des coquilles, des tissus ou des perles de verre, en tant que paradigmes d’une appréciation esthétique et du pouvoir économique spécifique, que l’on retrouve de la préhistoire jusqu’à la création contemporaine des bijoux fantaisie ? Quel rapport entretient la valeur de l’objet précieux avec son prix ? Quel est le rôle de la rareté, de l’ancienneté et de la performance technique, artisanale ou industrielle dans la formation de la valeur ?  Et encore, comment la circulation des objets précieux nous permet de relier et de comparer différentes sociétés, et de reconstruire les hybridations et les réinventions de la valeur comme faisant partie d’une vie sociale des choses, au sens d’Arjun Appadurai ?

Quant à la création, quels sont les paramètres esthétiques mobilisés ? Entre innovation et tradition, entre réinterprétation et retour, entre importation exotique et tropisme local, quels sont les critères socialement retenus pour décréter le succès ou la désuétude d’objets tout aussi « précieux » ?  En quoi consiste l’« aura » de l’objet précieux ? Parmi les qualités esthétiques qui contribuent à la déterminer, lesquelles sont accrues par le travail et l’activité formatrice humaine ? La notion de « travail esthétique » sera ainsi une autre piste possible pour réfléchir aux imbrications entre valeur économique et valeur sensible.

Le colloque international « L’objet précieux : un fait social total ? » (INHA, 25 et 26 avril 2024) invite les chercheurs actifs dans tous les domaines des sciences sociales à échanger autour de ces pistes de travail. Cette initiative, issue d’une coopération EHESS-Cartier de plus vaste envergure, vise à susciter une large réflexion autour de cette thématique transversale et interdisciplinaire par excellence.

Nous vous invitons à envoyer vos propositions de contribution, titres plus un résumé de 2 500 signes (environ 400 mots) au maximum, accompagnés d’une courte bio-bibliographie, pour le 31 octobre 2023 au plus tard à l’adresse suivante : objetprecieux@ehess.fr

 

Comité organisateur :Barbara Carnevali (EHESS, CESPRA), Cecilia D’Ercole (EHESS, ANHIMA), Jérôme Malois (EHESS), Jean-Philippe Miller-Tremblay (EHESS, CESPRA), Lynn Serfaty (Cartier).

 

Comité scientifique :Marc Abélès (CNRS/EHESS, LAP), Marco Belfanti (Université de Brescia, Italie, Département d’économie et de management), Claire Bosc-Tiessé (CNRS/EHESS, IMAF), Cléo Carastro (EHESS, ANHIMA), Barbara Carnevali (EHESS, CESPRA), Cecilia D’Ercole (EHESS, ANHIMA), Emanuele Coccia (EHESS, CEHTA), Natacha Coquery (Université Lyon 2, LARHRA), Florence Gherchanoc (Université Paris Cité, ANHIMA), Isabelle Kalinowski (CNRS/ENS, Pays Germaniques), Rémi Labrusse (EHESS, CEHTA), Étienne de la Vaissière (EHESS, CETOBaC), André Orléan (EHESS, PjSE), Pierre Rainero (Cartier), Lynn Serfaty (Cartier), Hannah Williams (Queen Mary University of London (QMUL), Royaume-Uni).

 

[English version]

“The precious object: a total social fact?”

An international symposium part of an EHESS-Cartier cooperationParis, April 25 and 26, 2024Auditorium Jacqueline LichtensteinGalerie Colbert, 2, rue Vivienne, 75002, Paris

Precious objects, and jewelry in particular, have generated repeated and echoed reactions over the centuries and across the globe, despite variations in context and location. Indeed, while the disapproval of an often ostentatious dissipation has been recurrent since Antiquity (Pliny the Elder), the benefits of a precious object has been claimed for aesthetic, symbolic, religious and economic reasons alike, whether it may be an agalma worthy of devotion ; an offering to the gods or the dead ; a symbol of status, power, alliance; a social or family heirloom, both a vehicle and a pledge of transmission or tradition ; an inspiration for artistic creation and the development of techniques ; as majors elements of exchange in the gift economy, and even a driving force behind the capitalist economy as emphasized by Bernard de Mandeville, Jean-Baptiste Say, Werner Sombart, and many others.  

Thus, the precious object and jewelry especially, whether carried on oneself, socially exchanged or integrated into spaces, create distinction at all levels, material and symbolic: they “radiate”, according to the worlds of Georg Simmel, attracting attention, reconfiguring the space of appearances, and establishing cultural and social divides and a “partition of the sensible”. Because of their distinctive value, they influence social taste, originate fashion, encourage imitation and counterfeiting, and fake and kitsch reproductions.

Value and creation are keywords for this symposium. These notions summarize many questions, full of echoes and repercussions across the whole spectrum of the social sciences, from anthropology to economics, philosophy to sociology, and the history of the arts to techniques and work.

What properties determine the value of precious substances, such as gold or diamonds, widely shared in many societies and periods? Is gold precious because of its sensory and organoleptic qualities (malleability and resistance, durability, color, and brilliance that attract the eye like the sun's rays) or because of its distinctive attributes (because it is rare, expensive, and difficult to extract), or all these reasons together? Who decides the place of other objects and materials, be they shells, textiles, or glass beads, as paradigms of aesthetic appreciation and specific economic power from prehistory to the contemporary creation of costume jewelry? What is the relationship between the value of precious objects and their price? What role do rarity, antiquity, and technical, craft, or industrial performance play in performing value? How does the circulation of precious objects allow us to compare different societies and reconstruct the hybridizations and reinventions of value as part of a social life of things in the sense of Arjun Appadurai?

As for creation, what are its aesthetic criteria? Between innovation and tradition, reinterpretation and return, exotic import, and local tropism, what are the socially accepted standards for claiming the success or obsolescence of equally “precious” objects? What does the “aura” of a precious object consist of? Is “aesthetic labor” a practical approach to understanding the interweaving of economic and emotional values?

The international colloquium “The precious object: a total social fact? [L'objet précieux : un fait social total ?]” (INHA, April 25 and 26, 2024) invites researchers active in all fields of the social sciences to discuss these paths of research. This initiative, part of a wider EHESS-Cartier cooperation, aims to stimulate a wide-ranging reflection on this cross-disciplinary theme par excellence.

We invite you to send us your proposals, including titles and an abstract of no more than 2,500 characters (approximately 400 words), together with a short bio-bibliography, by October 31st, 2023 at the latest at the following email address: objetprecieux@ehess.fr

 

Organizing committee:Barbara Carnevali (EHESS, CESPRA), Cecilia D’Ercole (EHESS, ANHIMA), Jérôme Malois (EHESS), Jean-Philippe Miller-Tremblay (EHESS, CESPRA), Lynn Serfaty (Cartier).

 

Scientific committee:Marc Abélès (CNRS/EHESS, LAP), Marco Belfanti (University of Brescia, Italy, Department of economics and management), Claire Bosc-Tiessé (CNRS/EHESS, IMAF), Cléo Carastro (EHESS, ANHIMA), Barbara Carnevali (EHESS, CESPRA), Cecilia D’Ercole (EHESS, ANHIMA), Emanuele Coccia (EHESS, CEHTA), Natacha Coquery (Université Lyon 2, LARHRA), Florence Gherchanoc (Université Paris Cité, ANHIMA), Isabelle Kalinowski (CNRS/ENS, Pays Germaniques), Rémi Labrusse (EHESS, CEHTA), Étienne de la Vaissière (EHESS, CETOBaC), André Orléan (EHESS, PjSE), Pierre Rainero (Cartier), Lynn Serfaty (Cartier), Hannah Williams (Queen Mary University of London (QMUL), United Kingdom).

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