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Laurence KAUFMANN

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Laurence KAUFMANN

Titulaire d’un doctorat de sciences sociales à l’EHESS et à l’Université de Lausanne, Laurence Kaufmann est Professeure de sociologie de la communication et de la culture à l’Université de Lausanne. Recourant principalement à la sociologie mais aussi à l’histoire, la philosophie, la linguistique et la psychologie, ses recherches de facture interdisciplinaire portent sur l’espace public, l’opinion publique et la constitution des collectifs, ainsi que sur l’autorité de la première personne, le rôle des émotions et plus récemment la question de l’identité.

Auteure de nombreux articles, elle a également co-dirigé trois numéros de la collection Raisons pratiques de l’EHESS: (2021) Les émotions collectivesEn quête d’un « objet » impossible, (2010)Qu’est-ce qu’un collectif ? Du commun au politique, et (2004) L’invention de la société. Nominalisme politique et invention des sciences sociales au 18e siècle.  Elle a co-dirigé La sociologie cognitive (2011) et plusieurs dossiers dont, en 2014, « Affecter, être affecté. Autour des travaux de Jeanne Favret-Saada », paru dans SociologieS. Son intérêt pour les capacités sociales l’a également conduite à publier aussi bien dans des revues de psychologie que de neurosciences. Elle est l’auteure, avec F. Clément, du livre Le monde selon John Searle (Cerf, 2005).

Laurence Kaufmann prépare actuellement un livre sur l’efficacité analytique, le potentiel prédictif et les enjeux politiques d’une approche sociologique en termes de places.

Elle est invitée par Barbara Carnevali (CESPRA) et Gloria Origgi (Institut Jean Nicod). 

 

Conférences 

 

« Casser la figure ». Visage, face et masque 

Dans le cadre du séminaire de Barbara Carnevali – L’individualisme esthétique : de Rousseau à Foucault (et aujourd’hui) 2.

  • 2 février 2024 - 14h30-16h30 - EHESS - Campus Condorcet - Aubervilliers - Salle 50

Dans cette conférence, nous nous arrêterons sur le travail de figuration qui permet aux agents sociaux de négocier leur « être-frontière » et de filtrer ce qu’ils laissent apparaître dans les situations où ils prennent place. Du point de vue analytique, la notion de figuration a la profondeur tout à la fois sensible et dramaturgique de la mise en scène réciproque que constituent les interactions de face-à-face. La figure a en effet une ontologie double, à la fois matière et forme, signe et symbole. Appréhendée en tant que symbole, la figure renvoie au sens de mise en scène, de re-présentation publique, de rôle et de personnage. Dans ce cadre théâtral, elle s’oriente vers la face ou même le masque : elle est une abstraction, un artefact, une projection unificatrice : le corps y est absent. En revanche, appréhendée en tant que signe, la figure renvoie à une « forme » ou même à un « moule » sensible et incarné. Contrairement à la figure-symbole du masque, la figure-signe s’oriente vers le visage et garde le lien indiciel qui la lie à un corps vivant et à une identité singulière. C’est dans cet entre-deux, dans cette immersion à mi-corps, entre le visage nu et le visage artificiel, le sensible et le symbolique, le présent et l’absent, le montré et le caché, le privé et le public, que se glissent deux cas sur lesquels nous nous arrêterons : d’une part le masque sanitaire, d’autre part le visage médié par des technologies de communication à distance.  

 

Ces émotions auxquelles nous sommes attachés. Vers une phénoménologie politique de l’espace public 

Dans le cadre du séminaire du CESPRA, Un regard politique (Stéphane Audoin-Rouzeau, Frédéric Brahami, Barbara Carnevali).

  • 7 février 2024 - 9h30-12h30 - EHESS - Campus Condorcet - Aubervilliers - Salle 50

Après avoir distingué les différentes manières dont les interprétants culturels et les règles sociales interviennent dans la configuration des émotions, cette conférence se penchera sur l’enjeu politique que constitue la délimitation des émotions qui peuvent être mobilisées ou partagées ou, au contraire, celles qui sont jugées inconvenantes ou défectueuses. Au niveau collectif, cet enjeu, qui est celui de qui peut et doit ressentir quoi vis-à-vis de qui, est au cœur du pouvoir performatif des interpellations émotionnelles qui prennent place dans l’espace public : celui de faire advenir à l’existence sociale et politique le collectif qu’elles affectent et concernent, mais aussi le collectif dont elles se détachent ou auquel elles s’opposent. Un tel pouvoir interpellatif est particulièrement important pour des collectifs « acéphales » comme celui des Gilets Jaunes. En l’absence d’une structure de représentation, c’est en effet l’alignement affectif qu’il est à même de susciter qui lui permet de se constituer et de se maintenir. Sans cette émotion qui le tient à bout portant, le collectif risque de s’essouffler ou de s’effondrer. La surenchère émotionnelle qui galvanise les différentes arènes publiques pourrait ainsi s’expliquer en partie par la fragilité ontologique des collectifs éphémères qu’elles mettent en jeu. Ces réflexions nous invitent à compléter le lexique quelque peu sentimental ou thérapeutique du « partage émotionnel » par le lexique plus politique du pouvoir performatif des émotions. Seul ce dernier est à même de poser les jalons d’une phénoménologie politique attentive à l’expérience en première personne comme au pouvoir de ré-alignement des émotions auxquelles nous sommes attachés.

 

La fin de la déférence ? L’illusion de la réalité immédiate dans les espaces publics contemporains 

Dans le cadre du séminaire de Gloria Origgi, Épistémologie sociale et politique : les enjeux de la diversité.

  • 22 avril - 14h30-16h30 - Centre de colloques - Campus Condorcet - Aubervilliers - Salle polyvalente 50

Le maximalisme normatif des modèles participatifs de la sphère publique a souvent conduit les penseurs de la démocratie à les juger inopérants ou impraticables. Cette conférence propose une conceptualisation plus minimaliste de l’espace public, qui souligne la nécessité ontologique de la représentation et de la déférence dans la constitution des communautés imaginées. Dans un deuxième temps, il s’agira de se pencher sur le rejet d’une telle déférence dans les espaces publics contemporains. La représentation et la déférence sont devenues – souvent à juste titre – synonymes de manipulation et de mensonge. Parmi les nombreuses mouvances qui récusent les médiations et la logique de la représentation, nous nous arrêterons en particulier sur le mouvement hacktiviste Anonymous, la mouvance populiste à la « D.Trump » et la communauté des « Platistes ». Chacun à leur manière, ils aspirent à effacer toute trace de déférence. Ce faisant, ils tendent à éroder la structure pluraliste de la sphère publique et à rendre difficile le projet de la constitution d'un savoir et d’un monde communs. 

 

« Faire collectif » : une approche simmélienne 

Dans le cadre du séminaire de Philippe Urfalino, Corps politique, pouvoir et règle de majorité.

  • 16 mai 2024 - 14h30-16h30 - EHESS - Campus Condorcet - Aubervilliers - Salle A102

D’un point de vue théorique, les sciences sociales ont toujours oscillé entre une conception nominaliste des collectifs comme étant réductibles aux individus qui les composent, et une conception réaliste qui leur reconnaît un pouvoir et un mode d’existence propre. Ces réflexions ont pris ces dernières décennies un nouvel élan grâce aux réflexions philosophiques sur l’intentionnalité collective, qui voient dans les « attitudes en Nous » le ciment social nécessaire à la transformation d’un agrégat d’individus en un véritable collectif. Après une discussion critique de cette hypothèse, cette conférence s’inspire des réflexions de Georg Simmel pour conceptualiser les collectifs non pas en termes d’attitudes mais en termes de configurations relationnelles. Bien que les individus puissent être absorbés par ces configurations au point de devenir interchangeables et agir ou penser non pas comme un Nous mais comme un On, il n’en reste pas moins que le Nous doit rester un principe essentiel de l’être-ensemble : sa constitution, si tant est qu’elle garde la trace des Je à son principe, représente en effet l’idéal politique de nos sociétés démocratiques.

 

 

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