Type et date de soutenanceSoutenance de thèse

Violence, sacrifice et légitimité : le cas américain, 1945-2021. De la guerre à l'opération de police. Le nouvel horizon du tout sécuritaire et l'ascension de l'Etat de surveillance globalisée

John Christopher Barry

Résumé

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Violence, sacrifice et légitimité traite des mutations de la force et du consentement dans l’empire américain de 1945 à la chute de Kaboul en 2021. A la fois empire pour la liberté (Jefferson) et empire tout court, les Etats-Unis se posent ainsi en gardiens et tuteurs de la liberté du monde. Cet ‘exceptionnalisme’ impérial américain renvoie à la question soulevée par la Boétie : comment l’Un règne sur le Multiple en articulant la coercition et l’acquiescement des dominés ? Servitude volontaire, mais aussi assentiment fondé sur la légitimité de la force de l’Un, lequel pourra exiger le sacrifice du grand nombre pour faire la guerre. En terme gramscien, il s’agira d’étudier comment la classe dirigeante américaine, par un « ensemble d’activités pratiques et théoriques », articule ce couple indissociable qu’est la coercition et « le consentement actif des gouvernés » pour justifier et maintenir son hégémonie (Gramsci).   Mon étude empirique sur cette articulation de la force et du consentement se concentre sur les transformations des pratiques et théories militaires des États-Unis devenues - après ses victoires contre les puissances de l’Axe en 1945 - hégémon à l’échelle du globe, avec la montée en puissance de son état de sécurité nationale et de surveillance visant conjointement les populations américaines et celles du monde. Pour tout empire, les gouvernés sont à la fois ceux à l’intérieur de la métropole et ceux à l’extérieur, dans les territoires et états vassalisés. Les États-Unis, à l’ambition suzeraine sur le monde depuis l’implosion de l’Union soviétique, n’y échappent pas. Dans la formule de Gramsci, une hégémonie est toujours « cuirassée de coercition ». Les États-Unis doivent manier force et consentement, couple à l’équilibre toujours fluctuant entre ces deux extrêmes selon les circonstances historiques, de façon différenciée ou convergente, à l’intérieur de ses frontières, comme à l’extérieur.   Face aux exigences du capital et sa financiarisation transnationale qui sapent les économies nationales, les tensions économiques et sociales inégalitaires, raffermies par les politiques néolibérales aux Etats-Unis et dans le monde, ne feront qu’accentuer le besoin d’un renforcement capacitaire, local et global, de la coercition sur le consentement, minant de fait l’Etat de droit libéral. Il s’agira donc d’une part de mettre en relation la logique de la structure de l’action militaire américaine et la logique de la construction du sens politique de sa domination impériale singulière par rapport aux empires traditionnels du passé, et d’autre part, le comportement de ses citoyens et soldats face à la menace de la mort violente, avec son recours à la technique (matérielle ou logicielle) pour la contourner ou l’exercer sans sacrifice guerrier.   Avec la guerre américaine et sa transformation en opération de police globalisée et la surveillance panoptique électronique des populations du monde, assistons-nous à la fin de la guerre clausewitzienne et de la politique, en faveur d’un avenir radieux de la sécurité globale ‘apolitiques’ de type policier comme modèle universel, indépendamment de la pérennité ou non de l’empire américain ? En d’autres mots, assistons-nous à la disparition du politique (bios politikos) comme horizon possible pour la liberté en faveur de la simple sécurité de l’homme nu réduit à sa dimension animale (zôê), qu’il s’agit de protéger coûte que coûte par la violence souveraine de l’État ? Dans le mouvement pendulaire entre coercition et consentement, serions-nous passés définitivement du côté de Hobbes, privilégiant désormais la sécurité de l’Etat au détriment de la liberté, raison d’être de la politique ? Trois grands chantiers dans notre travail s’entrecroisent et se recoupent pour éclairer le sujet; un volet théorique sur la guerre, un volet empirique (travail de terrain dans l’Afghanistan en guerre) et une étude socio-politique des Etats-Unis et sa consolidation d’un état de sécurité nationale globalisée.

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Jury

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  • M. Gilles Bataillon (Directeur de thèse), EHESS
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  • M. Jonathan Friedman (Co-Directeur), EHESS
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  • Mme Marjolaine Boutet, Université Sorbonne Paris Nord
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  • M. Patrick Cingolani, Université Paris Cité
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  • Mme Charlotte Girard, Université Paris Nanterre
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  • Mme Ninon Grangé, Université Paris 8 Seine Saint-Denis
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  • M. Romain Huret, EHESS
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